2 thoughts on “Mendiants et orgueilleux, Albert Cossery”
Bonjour,
je me risque à rebondir sur vos articles…
Une super copine, m’a offert il y a un peu moins d’un an ce super roman. D’ailleurs je pense que vous pourriez vous entendre… Quoi qu’elle est très exigeante…
Comme vous je note et consigne des citations qui me plaisent qui me parlent…
Je me permets de vous en mettre deux ici, plus une tirée de la postface de l’édition du roman qui est la même que la votre. Cette dernière est un extrait d’un roman inachevé de Cossery.
Merci à vous pour votre blog !!!
« Le concept suivant lequel toute faute devrait recevoir son châtiment était encore un de ces mensonges hypocrites servant de rempart à une société agonisante et pourrie. Quel chemin parcouru en si peu d’années! Cette morale rigide qu’il avait enseignée, et à laquelle il avait cru comme à une richesse inaliénable, s’était relevée comme la plus néfaste conspiration ourdie contre tout un peuple ; elle n’était qu’un instrument de domination destiné à tenir en respect les misérables. »
Albert Cossery, Mendiants et orgueilleux, Éditions Joëlle Losfeld, janvier 2020, pages 87-88.
» – Comment es-tu tombé dans une telle misère ? D’après ton langage, tu sembles un homme instruit je dirai même, hautement cultivé . Normalement, tu aurais dû occuper un rang élevé dans la hiérarchie sociale. Cependant, tu vis en mendiant. Il y a là un mystère que je voudrais comprendre.
– Il n’y a là aucun mystère. Je vis en mendiant parce que je le désire.
– Par Allah ! Tu es un homme étonnant. De plus en plus ta mentalité échappe à ma compréhension.
– La vérité, monsieur l’officier, est que tu t’étonnes facilement. La vie, la vraie vie, est d’une facilité enfantine. Il n’y a pas de mystère. Il y a seulement des salauds.
– Qui appelles-tu des salauds ?
– SI tu ne sais pas quels sont les salauds, alors il n’y a aucun espoir pour toi. C’est la seule chose qu’on n’apprend pas par les autres, monsieur l’officier.
Nour El Dine baissait la tête , les mains serrées entre ses genoux, il semblait méditer sur un problème douloureux.
– C’est plus compliqué que ça, dit-il enfin. Il n’y a pas que des bons et des salauds.
– Non, dit Gohar. Je refus d’admettre ses nuances. Ne viens pas me raconter que c’est plus compliqué que ça. Comment ne comprends-tu pas que cette soit-disant complication ne profite qu’aux salauds ?
Nour El Dine se tut, résigné. Une fois de plus, la lassitude s’était emparée de lui. »
Albert Cossery, Mendiants et orgueilleux, Éditions Joëlle Losfeld, janvier 2020, page 204.
« Pour Mokhtar, la seule façon de combattre un régime politique ne pouvait se concevoir que dans l’humour et la dérision, loin de toute discipline et des fatigues que comporte ordinairement toute révolution. EN vérité il s’agissait de s’offrir une distraction hors norme et non une épreuve déprimante pour la santé. Son combat contre l’ignominie régnante ne nécessitait ni groupe armé, ni même un sigle mentionnant son existence. C’était un combat solitaire, non un rassemblement de hurleurs (…) mais une facétieuse opération de sauvetage de l’humanité, sans lui demander son avis et sans attendre une autorisation venue du ciel. Depuis longtemps, Mokhtar avait décidé que son rôle serait le dynamitage de la pesée universelle et ses relents nauséabonds qui encombraient depuis des siècles la cervelle des miséreux. Écrasées et fragilisées, les masses humaines encore survivantes sur le Globe étaient portées à croire tout ce que raconte une propagande qui outrage en permanence la vérité. Il lui était apparu clairement que le drame de l’injustice sociale ne disparaître que le jour où les pauvres ne croiront plus aux valeurs éternelles de la civilisation., un palmarès de mensonges délibérés, programmé pour les tenir à jamais en esclavage. Par exemple, l’honnêteté. Les pauvres sont convaincus que l’honnêteté est la vertu fondamentale qui va sauver leurs âmes des flammes de l’enfer, et cette croyance les condamne à une misère endémique, tandis que les riches dont les ancêtres ont inventé le mot, sans jamais y croire, continuent de prospérer. »
Albert Cossery, Une époque de fils de chiens (roman inachevé) in Mendiants et orgueilleux, Éditions Joëlle Losfeld, janvier 2020, page 220.
Bonjour,
je me risque à rebondir sur vos articles…
Une super copine, m’a offert il y a un peu moins d’un an ce super roman. D’ailleurs je pense que vous pourriez vous entendre… Quoi qu’elle est très exigeante…
Comme vous je note et consigne des citations qui me plaisent qui me parlent…
Je me permets de vous en mettre deux ici, plus une tirée de la postface de l’édition du roman qui est la même que la votre. Cette dernière est un extrait d’un roman inachevé de Cossery.
Merci à vous pour votre blog !!!
« Le concept suivant lequel toute faute devrait recevoir son châtiment était encore un de ces mensonges hypocrites servant de rempart à une société agonisante et pourrie. Quel chemin parcouru en si peu d’années! Cette morale rigide qu’il avait enseignée, et à laquelle il avait cru comme à une richesse inaliénable, s’était relevée comme la plus néfaste conspiration ourdie contre tout un peuple ; elle n’était qu’un instrument de domination destiné à tenir en respect les misérables. »
Albert Cossery, Mendiants et orgueilleux, Éditions Joëlle Losfeld, janvier 2020, pages 87-88.
» – Comment es-tu tombé dans une telle misère ? D’après ton langage, tu sembles un homme instruit je dirai même, hautement cultivé . Normalement, tu aurais dû occuper un rang élevé dans la hiérarchie sociale. Cependant, tu vis en mendiant. Il y a là un mystère que je voudrais comprendre.
– Il n’y a là aucun mystère. Je vis en mendiant parce que je le désire.
– Par Allah ! Tu es un homme étonnant. De plus en plus ta mentalité échappe à ma compréhension.
– La vérité, monsieur l’officier, est que tu t’étonnes facilement. La vie, la vraie vie, est d’une facilité enfantine. Il n’y a pas de mystère. Il y a seulement des salauds.
– Qui appelles-tu des salauds ?
– SI tu ne sais pas quels sont les salauds, alors il n’y a aucun espoir pour toi. C’est la seule chose qu’on n’apprend pas par les autres, monsieur l’officier.
Nour El Dine baissait la tête , les mains serrées entre ses genoux, il semblait méditer sur un problème douloureux.
– C’est plus compliqué que ça, dit-il enfin. Il n’y a pas que des bons et des salauds.
– Non, dit Gohar. Je refus d’admettre ses nuances. Ne viens pas me raconter que c’est plus compliqué que ça. Comment ne comprends-tu pas que cette soit-disant complication ne profite qu’aux salauds ?
Nour El Dine se tut, résigné. Une fois de plus, la lassitude s’était emparée de lui. »
Albert Cossery, Mendiants et orgueilleux, Éditions Joëlle Losfeld, janvier 2020, page 204.
« Pour Mokhtar, la seule façon de combattre un régime politique ne pouvait se concevoir que dans l’humour et la dérision, loin de toute discipline et des fatigues que comporte ordinairement toute révolution. EN vérité il s’agissait de s’offrir une distraction hors norme et non une épreuve déprimante pour la santé. Son combat contre l’ignominie régnante ne nécessitait ni groupe armé, ni même un sigle mentionnant son existence. C’était un combat solitaire, non un rassemblement de hurleurs (…) mais une facétieuse opération de sauvetage de l’humanité, sans lui demander son avis et sans attendre une autorisation venue du ciel. Depuis longtemps, Mokhtar avait décidé que son rôle serait le dynamitage de la pesée universelle et ses relents nauséabonds qui encombraient depuis des siècles la cervelle des miséreux. Écrasées et fragilisées, les masses humaines encore survivantes sur le Globe étaient portées à croire tout ce que raconte une propagande qui outrage en permanence la vérité. Il lui était apparu clairement que le drame de l’injustice sociale ne disparaître que le jour où les pauvres ne croiront plus aux valeurs éternelles de la civilisation., un palmarès de mensonges délibérés, programmé pour les tenir à jamais en esclavage. Par exemple, l’honnêteté. Les pauvres sont convaincus que l’honnêteté est la vertu fondamentale qui va sauver leurs âmes des flammes de l’enfer, et cette croyance les condamne à une misère endémique, tandis que les riches dont les ancêtres ont inventé le mot, sans jamais y croire, continuent de prospérer. »
Albert Cossery, Une époque de fils de chiens (roman inachevé) in Mendiants et orgueilleux, Éditions Joëlle Losfeld, janvier 2020, page 220.
Merci à vous pour votre contribution qui témoigne de goûts très sûrs, j’ai hâte d’en lire de prochaines !