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Edouard Glissant

Né en 1928 en Martinique, Édouard Glissant est le poète des imaginaires et des archipels du Tout-Monde. Également philosophe, romancier, essayiste, dramaturge, penseur de l’art et de la culture, il élabore une réflexion sur l’identité-relation, ouverte à la rencontre et tendue vers l’altérité.

Pendant ses études à la Sorbonne auprès de Gaston Bachelard et plus tard avec Gilles Deleuze, Jacques Derrida ou Pierre Bourdieu, l’écrivain s’engage dans plusieurs combats : fondation du Front antillo-guyanais en 1961, présidence du Parlement des écrivains en 1993 ou création de l’Institut du Tout-Monde en 2006.

Balises – BPI

Quand je pleure
sur le Monde
fais-moi voir la poignée
d’oiseaux infirmes
qui soutient ma poitrine

La Terre le feu l’eau et les vents : Une anthologie de la poésie du Tout-monde

Chacun de nous a besoin de la mémoire de l’autre, parce qu’il n’y va pas d’une vertu de compassion ni de charité, mais d’une lucidité nouvelle dans un processus de la Relation. Et si nous voulons partager la beauté du monde, si nous voulons être solidaires de ses souffrances, nous devons apprendre à nous souvenir ensemble.

Esthétique : Tome 1, Une nouvelle région du monde

Combien de communautés menacées n’ont aujourd’hui d’alternatives qu’entre le déchirement essentiel, l’anarchie identitaire, la guerre des nations et les dogmes d’une part, et d’autre part une paix romaine imposée par la force, une neutralité béante qui poserait sur toute chose un Empire tout-puissant, totalitaire et bienveillant.

Traité du Tout-monde

Archipels

« La pensée archipélique convient à l’allure de nos mondes. Elle en emprunte l’ambigu, le fragile, le dérivé. Elle consent à la pratique du détour, qui n’est pas fuite ni renoncement. Elle reconnaît la portée des imaginaires de la Trace, qu’elle ratifie. Est-ce là renoncer à se gouverner ? Non, c’est s’accorder à ce qui du monde s’est diffusé en archipels précisément, ces sortes de diversités dans l’étendue, qui pourtant rallient des rives et marient des horizons. Nous nous apercevons de ce qu’il y avait de continental, d’épais et qui pesait sur nous, dans les somptueuses pensées de système qui jusqu’à ce jour ont régi l’Histoire des humanités, et qui ne sont plus adéquates à nos éclatements, à nos histoires ni à nos moins somptueuses errances. La pensée de l’archipel, des archipels, nous ouvre ces mers. »

Traité du Tout-monde

Créolisation

« J’appelle créolisation la rencontre, l’interférence, le choc, les harmonies et les disharmonies entre les cultures, dans la totalité réalisée du monde-terre. »

« Ils disent que créolisation est une générale, après quoi on gagnerait, on profiterait, à passer à des spécificités. C’est revenir à d’anciennes partitions, l’universel, le particulier, etc. Ils ne savent pas lire le monde, le monde ne lit pas en eux. »

« La créolisation est la mise en contact de plusieurs cultures ou au moins plusieurs éléments de cultures distinctes, dans un endroit du monde, avec pour résultat une donnée nouvelle, totalement imprévisible par rapport à la somme ou à la simple synthèse de ces éléments. »

Traité du Tout-monde

Chaos-monde

« J’appelle chaos-monde le choc actuel de tant de cultures qui s’embrasent, se repoussent, disparaissent, subsistent pourtant, s’endorment ou se transforment, lentement ou à vitesse foudroyante&nbp;: ces éclats, ces éclatements dont nous n’avons pas commencé de saisir le principe ni l’économie et dont nous ne pouvons pas prévoir l’emportement. »

Traité du Tout-monde

Tourbillon

« L’imaginaire travaille en spirale : d’une circularité à l’autre, il rencontre de nouveaux espaces qu’il ne transforme pas en profondeur ni en conquêtes. »

Poétique de la relation

« Le tourbillon, c’est ce qui permet d’échapper à l’accumulation pyramidale avec des ascensions de valeur ; la poésie est tourbillonnaire. »

Interview de 2003

Tremblement

« La philosophie est là pour diffracter, ce n’est pas une méthode pour mieux voir ou mieux penser, c’est un tremblement, un éparpillement, et un non-su pour mieux sentir. »

Entretien avec F. Noudelmann, Les Vendredis de la Philosophie, France culture,10/4/2009

« La « pensée du tremblement », cette pensée qui « surgit de partout » (…) nous préserve des pensées de système et des systèmes de pensée. Elle ne suppose pas la peur ou l’irrésolu, elle s’étend infiniment comme un oiseau innumérable, les ailes semées du sel noir de la terre. Elle nous réassemble dans l’absolue diversité, en un tourbillon de rencontres. Utopie qui jamais ne se fixe et qui ouvre demain, comme un soleil et un fruit partagés. »

La Cohée du Lamentin. Poétique V, Gallimard, 2005

Relation

Naître au monde, c’est concevoir (vivre) enfin le monde comme relation : comme nécessité composée, réaction consentie.

Poétique, II : L’Intention poétique


Untitled (Connections), 11 in x 14 in, 2014, hand-cut road map © Nikki Rosato – Site internet

« Dans la Relation, ce qui relie est d’abord cette suite des rapports entre les différences à la rencontre des unes des autres. »

Philosophie de la Relation

« La Relation relie, relaie, relate, elle ne rapporte pas ceci à cela, mais le tout au tout. La poétique de la Relation accomplit le divers. »

La Cohée du Lamentin

Les trois étapes de la Relation, entretien avec Édouard Glissant :

Tout-Monde

Agis dans ton lieu, pense avec le monde

Philosophie de la Relation

« J’appelle Tout-monde notre univers tel qu’il change et perdure en échangeant et, en même temps, la « vision » que nous en avons. La totalité-monde dans sa diversité physique et dans les représentations qu’elle nous inspire : que nous ne saurions plus chanter, dire ni travailler à souffrance à partir de notre seul lieu, sans plonger à l’imaginaire de cette totalité. Les poètes l’ont de tout temps pressenti. Mais ils furent maudits, ceux d’Occident, de n’avoir pas en leur temps consenti à l’exclusive du lieu, quand c’était la seule forme requise. Maudits aussi, parce qu’ils sentaient bien que leur rêve du monde en préfigurait ou accompagnait la Conquête. La conjonction des histoires des peuples propose aux poètes d’aujourd’hui une façon nouvelle. La mondialité, si elle se vérifie dans les oppressions et les exploitations des faibles par les puissants, se devine aussi et se vit par les poétiques, loin de toute généralisation. »

Tout-monde

« Nous apprenons de plus en plus à lire les poètes, les philosophes, les romanciers chinois, indiens, japonais, mayas ou aztèques, etc. Mais il nous manque la relation entre tout cela. Et cette relation nous ne pouvons l’aborder que sous l’aspect du chaos […] Il faut l’aborder avec la démesure du monde. Le monde est démesuré, les sociétés humaines sont démesurées, nous ne pouvons imposer de l’ordre rhétorique à tout cela. »

Emission France Culture « Chacun de nous peut faire une anthologie du Tout-monde »

Identité-rhizome

Alors que l’identité « racine » est héritée des ancêtres, localisable dans un lieu géographique et une histoire familiale, l’identité « rhizome » reste à se construire au présent. Elle n’admet ni un seul lieu d’origine, ni une histoire familiale précise, elle naît des relations qu’elle crée.

Traité du Tout-Monde

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